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Jenna is given another shot at life when she receives a donor heart from a girl called Callie. Eternally grateful to Callie and her family, Jenna gets closer to them, but she soon discovers that Callie’s perfect family is hiding some very dark secrets…
Callie’s parents are grieving, yet Jenna knows they’re only telling her half the story. Where is Callie’s sister Sophie? She’s been ‘abroad’ since her sister’s death but something about her absence doesn’t add up. And when Jenna meets Callie’s boyfriend Nathan, she makes a shocking discovery.
Jenna knows that Callie didn’t die in an accident. But how did she die? Jenna is determined to discover the truth but it could cost her everything; her loved ones, her sanity, even her life.
A compelling, gripping psychological thriller with a killer twist from the author of the number one bestseller The Sister.
Excerpt
Couverture : ©
Traduit de l'anglais (Royaume-Uni) par Alice Delarbre
L'édition originale de cet ouvrage a paru en langue anglaise
chez Bookouture, sous le même titre.
© Louise Jensen, 2016, pour le texte.
© Hachette Livre, 2018, pour la traduction française.
Hachette Livre, 58 rue Jean Bleuzen, 92170 Vanves.
ISBN : 978-2-01-626511-6
vous serez toujours ma plus grande fierté.
Prologue
Courir.
Il fait noir. Si noir. Des nuages font la course dans le ciel charbon, masquant la lune et les étoiles. L'humidité se diffuse dans mes poumons et, lorsque je prends une profonde inspiration une vague de nausée me balaie.
Mon énergie s'épuise à toute allure. Mes baskets claquent sur le béton ; je ne crois plus entendre de bruits de pas derrière moi, mais c'est dur à affirmer avec le hurlement du vent.
Je hasarde un coup d'œil par-dessus mon épaule. Au même moment mes pieds rencontrent de la terre meuble et je perds l'équilibre ? J'écarte bien les doigts pour amortir ma chute. Ma tempe heurte une chose dure et solide qui m'écorche la peau. Ma mâchoire se referme d'un coup et mes dents se plantent dans ma langue, faisant jaillir le sang. Je l'avale, alors que la bile et la peur remontent dans ma gorge.
Ne pas faire un bruit.
Je suis terrifiée, si terrifiée…
Je suis allongée à plat ventre. Immobile. Silencieuse. J'attends. Mes paumes me brûlent. Ma joue m'élance. L'odeur de feuilles en décomposition s'infiltre dans mes narines. Mon estomac se soulève tandis que j'avance en rampant ; je progresse centimètre par centimètre, plante mes coudes dans la terre humide pour me tracter. Gauche, droite, gauche, droite.
J'ai atteint des broussailles. Des épines m'égratignent et s'accrochent à mes vêtements, pourtant je reste au ras du sol, entourée d'arbres. Je pense être invisible, mais quand les nuages s'écartent, le clair de lune éclaire la manche de mon sweat-shirt à capuche. Celle-ci est restée d'un blanc éclatant en dépit des traces de boue. Je me maudis intérieurement. Abrutie, abrutie, abrutie. Je le retire et le cache sous un buisson. Je claque des dents à cause du froid et de la peur. Sur ma gauche, des brindilles craquent sous les semelles de quelqu'un. D'instinct, je me redresse et me place en équilibre, sur la pointe des orteils, comme un sprinter sur la ligne de départ. Par-dessus les battements de mon cœur, je l'entends. Une toux. Derrière moi. Tout près. Trop près.
Courir.
Je m'élance en avant. J'en suis capable, voilà ce que je me dis, même si c'est un mensonge. Je sais que je ne pourrai pas tenir très longtemps à ce rythme.
Les nuages passent à nouveau devant la lune, et l'obscurité est écrasante. Je ralentis un instant, bien consciente de ne pas voir où je pose les pieds. Le sol est semé de nids de poules et je ne peux pas prendre le risque de me fouler la cheville, ou pire. Quelles seraient mes options ? Comment pourrais-je espérer m'en tirer ? Une bourrasque se lève, qui balaie les nuages et, à la périphérie de mon champ de vision, j'aperçois une silhouette. Je fais volte-face en hurlant.
Courir.
1.
Tous les mardis, entre 16 h et 17 h, je débite des mensonges.
Vanessa, ma psy, remonte ses lunettes en écaille sur son nez et pousse une boîte de Kleenex vers moi, comme si aujourd'hui, enfin, ma culpabilité allait jaillir, se déverser, putride et toxique, sur la table basse à la brillance presque surnaturelle qui nous sépare.
— Alors, Jenna, dit-elle en feuilletant mon dossier. On approche d'un anniversaire important, celui des six mois… Comment vous sentez-vous ?
Je hausse les épaules avant de tirer sur un fil qui dépasse de ma manche. L'odeur du pot-pourri à la lavande me tape sur les nerfs, sans parler de l'excès de plantes aux feuilles luisantes dans cet espace où le moindre centimètre carré est pensé. Je ravale ma mauvaise humeur et change de position sur le canapé trop mou. Je ne peux pas continuer à imputer mon irritabilité à mon traitement, si ?
— Je me sens bien, je finis par répondre, alors que ça ne pourrait pas être plus loin de la vérité.
Il y a tant d'émotions qui demandent à être exprimées… Pourtant, dès que je suis ici, les mots s'emmêlent sur ma langue, et malgré mon désir de me livrer sans retenue, je ne le fais jamais.
— Vous êtes sortie cette semaine ?
— Avec ma mère, vendredi.
C'est loin d'être un scoop, puisque ce rendez-vous est hebdomadaire. Certains jours, je ne comprends pas pourquoi je continue à voir Vanessa. Je me suis acquittée du nombre de rendez-vous que l'hôpital m'a imposé, et malgré tout je m'y rends toujours chaque semaine, avec une ponctualité remarquable. Sans doute parce que je ne sors pas beaucoup et que j'aime avoir des habitudes. Ça me procure un sentiment de normalité.
— Et en société ?
— Non.
Je ne me souviens pas de la dernière fois où j'ai passé une soirée dehors. À tout juste trente ans, j'ai l'impression d'en avoir le double, au moins. Je n'ai pas été en état de sortir pendant une longue période et, aujourd'hui, je préfère rester chez moi. Seule. À l'abri.
— D'un point de vue émotionnel, est-ce que les choses se calment ?
J'arrache mon regard du sien. Elle fait référence à ma paranoïa, et je ne sais pas très bien comment lui répondre. À presque chacun de mes rendez-vous médicaux, à l'hôpital, la composition du cocktail de comprimés que je prends pour empêcher mon corps de rejeter mon nouveau cœur est ajustée, mais l'angoisse forme comme une seconde peau et, en dépit de tous mes efforts, je ne parviens pas à m'en débarrasser.
— Ce besoin irrépressible…
Elle consulte ses notes.
—… de prendre la fuite ? Vous continuez à l'éprouver ?
— Oui.
L'adrénaline me picote la peau et je me mets à transpirer sous les bras. Cette sensation de danger qui m'envahit souvent est si accablante que j'ai parfois l'impression qu'il s'agit d'une prémonition.
— Ce désir de fuir sa propre vie n'a rien d'inhabituel quand on a vécu un traumatisme difficile à digérer. Nous devons travailler ensemble pour interrompre ce cycle de pensées obsessionnelles.
— Je ne crois pas que ce soit aussi simple que ça.
Ma peur est aussi réelle et tangible que le presse-papier en ambre posé sur le bureau de Vanessa.
— J'ai eu de nouvelles…
Je ne suis pas certaine de vouloir aller au bout de cet aveu, pourtant elle me considère avec ce regard bien particulier – comme si elle pouvait voir à travers moi.
—… crises.
— Des crises comparables aux précédentes ? Un vertige écrasant ?
Elle lève légèrement le menton le temps que je lui réponde et je regrette d'avoir ouvert la bouche.
— Oui. Je ne perds pas connaissance, mais j'ai soudain une vision tunnelisée, et les bruits environnants sont assourdis. Ça arrive de plus en plus souvent.
— Et combien de temps durent ces crises ?
— Difficile à dire. Quelques secondes sans doute. Lorsqu'elles se produisent, je me sens si…
Je regarde autour de moi : est-ce que j'espère vraiment trouver le mot que je cherche sur un mur du bureau ?
—…. affolée.
— La perte de contrôle est un sentiment très fort, Jenna. Et c'est bien compréhensible après ce que vous avez vécu. Avez-vous déjà évoqué ces crises avec le Dr Kapur ?
— Oui. Selon lui, il est tout à fait envisageable que mes crises de panique soient une conséquence de mon traitement. Si tout se passe bien lors de mon bilan des six mois, il pourra réduire les doses, ce qui devrait produire une amélioration.
— Bonne nouvelle. Et vous devez reprendre le travail…
Un coup d'œil au dossier.
—… lundi ?
— Oui. À temps partiel seulement. Pour commencer.
Linda et John, mes employeurs, ont été plus que généreux en m'octroyant une convalescence aussi longue. Ce sont des amis de mon père, ils me connaissent depuis presque toujours. Et même si Linda m'a dit que je ne devais pas me sentir obligée de revenir, mon travail me manque. Je ne me vois pas prendre un nouveau poste, ailleurs. Dans un endroit inconnu. Ce qui ne m'empêche pas d'être nerveuse. J'ai été absente si longtemps. Comment vais-je me sentir ? Retrouver une existence normale… Je suis fébrile à l'idée d'interagir avec des gens. Je me suis trop habituée à me contenter de ma seule compagnie, chez moi. Avant, ma mère trouvait que je savais bien « m'occuper », aujourd'hui elle a l'impression que je me « planque ». Dans mon appartement, la gêne cuisante qui m'accompagne partout est moins accablante. Mais la vie continue, non ? Et si je ne me force pas à recommencer à vivre dès à présent, j'ai bien peur de ne jamais y arriver.
— Que ressentez-vous à l'idée d'y retourner ?
Mes épaules entament leur habituel mouvement ascendant vers mes oreilles et je les retiens.
— Je me sens bien, je crois. Mes parents ne sont pas très chauds, eux. Ils ont essayé de me convaincre d'attendre encore un peu. Je comprends leur inquiétude, ils craignent que ça fasse trop pour moi, mais Linda m'a certifié que je pourrai y aller mollo. Je pourrai partir plus tôt si je suis trop fatiguée, et arriver plus tard si ma nuit a été mauvaise.
J'ai toujours eu une bonne relation avec Linda, même si elle ne m'a pas rendu visite ces derniers mois. Elle ne sait pas quoi me dire, j'imagine. Personne ne sait. Le fait que je sois passée si près de la mort met les gens mal à l'aise.
— Et la famille du donneur ? Vous cherchez toujours à entrer en contact avec elle ?
Je m'agite sur mon siège. Au fil des derniers mois, je me suis répandue en remerciements dans des lettres qui ont toutes été refusées par le service de transplantation. J'en avais, par inadvertance, trop dit. Livré un indice sur mon identité, sur mon adresse. Pourtant, sans ces détails, mes courriers me semblaient trop froids et anonymes. J'ai fini par payer un détective privé pour retrouver la famille, à qui j'ai écrit directement. Ça m'a coûté une petite fortune rien que pour obtenir l'adresse, mais ça en valait la peine : j'ai pu enfin leur exprimer ma gratitude, leur expliquer combien leur geste avait compté pour ma famille, sans avoir à me censurer. Je n'avais pas l'intention de me manifester à nouveau, et je ne m'attendais pas à avoir de leurs nouvelles, et pourtant j'ai reçu une réponse immédiate : ils avaient été très touchés par ma lettre. Je sais que Vanessa désapprouvera ce qui va suivre.
J'ai la bouche sèche tout à coup, et je me penche pour attraper mon verre. Ma main tremble, les glaçons s'entrechoquent et l'eau qui déborde mouille mon jean. J'avale une gorgée, très consciente du tic-tac de l'horloge discrètement placée dans mon dos.
— J'ai rendez-vous avec eux samedi.
— Oh, Jenna ! C'est un grave manquement à l'éthique… Comment les avez-vous retrouvés ? Je vais devoir faire un rapport, vous savez.
J'étudie mes chaussures, ce qui ne m'empêche pas de piquer un fard.
— Je ne peux pas vous le dire, je suis désolée.
— Vous savez que les prises de contact ne sont pas encouragées.
Chacune de ses paroles dégouline de réprobation.
— Surtout aussi tôt après la greffe. Ça peut être une source de bouleversement terrible pour tout le monde, et ça risque de vous faire retourner plusieurs étapes en arrière. Une simple lettre de remerciement aurait suffi. Une rencontre en personne… je suis juste…
— Je sais. On leur a dit exactement la même chose qu'à moi, mais ils veulent faire ma connaissance. J'ai besoin de les voir. Juste une fois. J'ai l'impression que quelqu'un d'autre vit en moi, et je veux savoir qui. Je dois savoir.
Ma voix se brise.
— Ça confine presque à l'obsession, ce n'est pas sain, Jenna. À quoi cela vous avancera-t-il de savoir à qui appartenait le cœur qui vous a été transplanté ?
Les couleurs du tableau derrière elle, une œuvre moderne et chaotique, se confondent, et le trouble qui m'étreint s'intensifie.
— Ça m'aiderait à comprendre.
— À comprendre quoi ?
Vanessa se penche vers moi : on dirait un jockey sur son cheval, qui sent la possibilité d'une percée et veut saisir l'occasion.
— Pourquoi j'ai survécu et pas cette personne.
*
Mon canapé en cuir chocolat conserve désormais une empreinte à l'endroit où j'ai passé un bien trop grand nombre d'heures. Je pourrais aussi bien afficher sur ma porte d'entrée : Ici habite une fille qui n'a pas de vie. J'allume une bougie parfumée aux fruits rouges, avant de m'affaler à ma place habituelle. Je me sens toujours vidée après une séance avec Vanessa et je ne sais jamais très bien si c'est à cause des émotions qui remontent à la surface quand je suis assise dans son cabinet immaculé, ou à cause des efforts que je fais pour les contenir.
Je récupère, sur la table basse, mon carnet de croquis. Le dessin me détend toujours. J'envoie du James Bay sur mon enceinte Bluetooth et je tape le rythme sur mon genou avec mon crayon, fixant les murs vides en attendant que l'inspiration vienne. J'ai l'intention de revoir la décoration depuis le départ de Sam, il y a près de six mois. Histoire de me réapproprier l'appartement. Recouvrir le blanc cassé avec un jaune tournesol ou un rouge chaleureux : des couleurs audacieuses que Sam déteste. Il ne reviendra pas, même si je sais qu'il aimerait. Il n'a jamais voulu notre séparation, c'est moi qui ne supportais pas de lire de la pitié dans ses yeux dès qu'il les posait sur moi, après mon opération, ni de le voir s'affairer constamment et de l'entendre me demander si j'allais bien toutes les cinq minutes. Je ne souhaitais pas qu'il se retrouve coincé avec moi, qu'il « m'aide à surmonter cette épreuve » comme si on était déjà des petits vieux et qu'il n'y avait rien d'autre à espérer de la vie. Lui rendre sa liberté a été la meilleure action de toute mon existence, même si mon ventre continue à se serrer chaque fois que je pense à lui. On essaie de devenir amis. On échange des textos. Des messages sur Facebook. Mais ce n'est pas pareil, si ? Sur ma liste mentale de choses à faire, et que je ne ferai sans doute jamais, j'ajoute la décoration de l'appartement… L'époque où je devais me ménager est révolue, et pourtant je reste prisonnière d'une routine dont je n'arrive pas à m'éloigner. Pour être honnête, je suis paniquée. En dépit des rendez-vous chez le kiné et du monceau de prospectus que j'ai rapportés à la maison, mes mouvements restent hésitants. Je continue à m'imposer une forme de lenteur. Mon corps se remet bien si j'en crois mon médecin, c'est mon esprit qui ne semble pas vouloir s'en persuader, et je suis pétrifiée à la perspective de repousser trop loin mes limites. À l'idée que quelque chose pourrait aller de travers. Qu'est-ce que je ferais alors ? Je me vois étendue par terre. Incapable d'atteindre le téléphone. De bouger. Qui saurait ? Je fais croire à ma mère que ça ne me dérange pas de vivre seule. Je le fais croire à tout le monde. Y compris à moi-même…
Bon alors, qu'est-ce que je pourrais dessiner ? Je feuillette mon carnet. Au début, ce sont surtout des portraits de Sam, toutefois dernièrement mes dessins sont plus sombres. Inquiétants presque. Forêts aux arbres tortueux, paires d'yeux qui luisent dans l'obscurité, chouette au regard perçant. Je soupire. Peut-être que Vanessa a raison de se soucier de ma santé mentale.
Mon portable émet un bip. C'est un SMS de Rachel, et je n'ai pas besoin de l'ouvrir pour savoir qu'elle me demande ce que je fais plus tard. Je vais lui répondre que je passe la soirée chez moi et la charger de boire un coup à ma santé, au pub. Ça ressemble à un petit numéro bien rôdé, comme une saynète de Guignol. Le déroulement suit toujours un scénario identique, même si l'envie d'une fin différente est parfois pressante. Je pourrais y aller, je songe avant de repousser cette idée. Ça me paraît si vain de reprendre les habitudes d'autrefois. Je ne suis plus celle que j'étais alors, et d'ailleurs les gens me traitent différemment, ils ne croisent jamais vraiment mon regard, ne savent pas quoi me dire. Je verrai Rachel au travail, lundi.
Il y a près de six mois, quelqu'un a dû trouver la mort pour que je puisse continuer à vivre. Mon univers est devenu si étriqué que j'ai parfois l'impression de ne plus réussir à respirer. Qui a péri pour moi ? Je ferme les paupières de toutes mes forces, pourtant la question continue à fondre sur moi, tel un poids lourd lancé à toute allure, et je ne sais pas comment l'arrêter. Réprimant un frisson, je vais à la fenêtre. La brise qui s'engouffre dans le salon est glaciale, mais l'air frais me fait du bien. Je suis rentrée chez moi depuis plusieurs semaines, toutefois j'ai l'impression que l'odeur si forte de l'hôpital s'est incrustée dans mes poumons. Quel que soit le temps dehors, je laisse toujours la fenêtre entrouverte. Je jette un coup d'œil à travers le store vénitien, et un frisson remonte le long de ma colonne vertébrale. Une silhouette se trouve dans l'embrasure d'une porte, sur le trottoir d'en face, et je suis une fois de plus submergée par cette envie irrépressible de fuite dont j'ai parlé à Vanessa. Mon souffle se précipite. Pourtant le crépuscule est paisible. Silencieux. Je ferme la fenêtre, puis les lames du store, et je me retrouve enveloppée par la lumière tamisée de mon salon. Mon univers rétrécit, ma confiance en moi aussi.
Je regagne le canapé, cependant mes mains tremblent trop pour que je puisse tenir mon crayon fermement. Je suis en sécurité… Voilà ce que je me répète. Alors pourquoi je n'arrive pas à m'en persuader ?
2.
Il y a dix mois, on est tombés malades, tous les deux. Un virus avait fait une hécatombe au bureau de Sam. Un jour, à mon retour du travail, je l'ai trouvé recroquevillé sur le canapé, emmitouflé dans une couette, un tas de mouchoirs usagés à ses pieds. Les radiateurs étaient ouverts à fond, et j'ai aussitôt retiré mon manteau et mon pull.
— Je crois que je suis en train de mourir, Jenna, a-t-il gémi en étendant le bras vers moi.
J'ai ri avant de prendre sa main, moite, et de presser ma paume contre son front brûlant. Il avait tellement froid qu'il claquait des dents.
— Une petite grippe, j'ai dit en effleurant sa joue bouillante des lèvres. Je reviens tout de suite.
J'ai filé à la pharmacie de garde pour faire le plein de paracétamol et d'aspirine. De retour à la maison, je lui ai réchauffé une soupe de poulet au maïs. Quarante-huit heures plus tard, j'avais mal à la gorge, les yeux qui pleuraient, et je grelottais au point de me mordre la langue. On est restés alités pendant plusieurs jours. L'atmosphère de l'appartement est devenue étouffante, on a visionné à la suite plusieurs intégrales de séries télé, le volume poussé au maximum pour noyer les quintes de toux. À tour de rôle, on se traînait à la cuisine, avec des gestes aussi lents que des zombies, pour préparer des casse-croûte qu'on n'arrivait pas à avaler, des boissons qui n'avaient pas de goût. C'était un tel soulagement d'aller mieux. De pouvoir enfin rouvrir les fenêtres pour laisser un courant d'air frais chasser l'odeur nauséabonde des miasmes. Sous la douche, l'eau chaude me martelait la peau et j'étais convaincue que le pire était derrière moi.
Sam reprenait des forces de jour en jour, contrairement à moi. Au bout d'une semaine, j'étais encore si exténuée que je m'assoupissais dans ma voiture pendant ma pause déjeuner, que je m'endormais sur le canapé pendant que des plats préparés carbonisaient au four. La nuit, je me réveillais en sursaut parce que j'étouffais et je cherchais à faire entrer de force l'oxygène dans mes poumons. J'ouvrais la fenêtre pour mettre la tête dehors et avaler des goulées d'air frais, tout en me demandant ce qui m'arrivait.
— Je t'ai pris rendez-vous chez le médecin, m'a annoncé Sam, un jour. À dix-sept heures. Et ce n'est pas négociable.
J'étais trop rincée pour protester. Dans la salle d'attente du généraliste, l'odeur de maladie était asphyxiante. Le médecin m'a à peine écoutée lui décrire mes symptômes avant de gratter sa barbe sel et poivre, et de me dire que ce que je ressentais était tout à fait normal, que j'avais juste besoin de repos. Il m'a assuré que mon énergie ne tarderait pas à revenir.
Trois semaines plus tard, j'avais à peine la force de sortir du lit. Je n'avais pas mis le pied au travail depuis plus de deux semaines. Un jour que Sam se trouvait à mon chevet, le visage crispé par l'inquiétude, il m'a dit :
— Ça ne peut pas être normal, je t'ai pris rendez-vous chez un autre médecin, pour prendre un second avis. Je t'accompagnerai à l'heure du déjeuner.
Plus tard ce matin-là, je me suis extirpée du lit. Sur le chemin de la salle de bains, je me suis arrêtée pour ramasser le courrier sous le paillasson… et c'est la dernière chose dont je me souvienne. Apparemment, Sam m'a découverte inconsciente dans le couloir, les lèvres décolorées, et j'ai été conduite à l'hôpital de toute urgence, sirènes hurlantes et gyrophare bleu clignotant.
Les mois suivants restent flous. J'avais, à un certain niveau, conscience de ce qui se passait autour de moi. Je souffrais d'une myocardite virale, en conséquence de laquelle ma fonction cardiaque avait diminué de façon drastique. La greffe était ma seule chance de survivre. Sam passait tout son temps roulé en boule sur un fauteuil à mon chevet. Ma mère me rendait visite quotidiennement, un sourire joyeux vissé aux lèvres. Mon père faisait les cent pas dans la chambre, les mains dans les poches, la tête baissée. Les bips des appareils étaient les derniers sons que j'entendais avant de m'endormir, et ceux qui me réveillaient le matin. Je devais toujours me rappeler où j'étais au moment de prendre ma première inspiration consciente. Il n'y a rien de comparable à l'odeur des hôpitaux, ce mélange de désinfectant et de décomposition, de gel hydroalcoolique pour les mains et d'espoir. J'étais trop faible pour lire et je n'arrivais pas à me concentrer sur la télé.
— Les Kardashian ou les stars de série ? me demandait Rachel, qui me lisait à voix haute des magazines people.
Je naviguais constamment entre le sommeil et la veille, je n'arrivais pas à suivre : qui divorçait de qui, quelle actrice avait grossi. Ou maigri. Elles me paraissaient désormais si futiles, ces choses dont on riait autrefois au pub. J'appréciais malgré tout la présence de Rachel. Elle était la seule de mes amis à me rendre visite.
En prévision de l'arrivée des repas insipides sur des tables roulantes bringuebalantes, ma mère m'aidait à me redresser en plaçant des oreillers dans mon dos. Je ne me suis jamais rendu compte, sur le moment, qu'elle était capable de me soulever tant j'avais perdu de poids. Elle découpait la nourriture molle de l'hôpital en minuscules morceaux, et je les avalais tout ronds, trop exténuée pour mastiquer. Qu'a-t-elle bien pu penser alors ? Me revoyait-elle, bébé joufflu ficelé sur ma chaise haute en plastique blanc, la bouche grande ouverte comme un oisillon ? Comment a-t-elle supporté la situation ? Je ne l'ai jamais vue pleurer, pas une seule fois. Ce que j'ignorais à l'époque, c'est que, de l'avis des médecins, les chances de me trouver un cœur à temps étaient infimes. J'étais à l'article de la mort. La liste des greffes ne cessait de s'allonger, et même si je n'étais pas en état de rentrer chez moi, je ne constituais pas non plus une priorité. Comment se prépare-t-on au pire ? Je n'en ai aucune idée. Et je souffre quand je pense à ce qu'ils ont tous traversé : ma mère, Rachel et Sam, assis autour de mon lit, main dans la main pour prier un Dieu auquel ils ne croyaient pas. Mon père, démuni et malheureux, me rendait visite chaque jour, mais ne s'attardait pas. Lorsqu'il parlait, l'agressivité de son ton laissait penser qu'il était constamment en colère. Aucun parent ne s'attend à voir sa fille unique s'étioler sous ses yeux, si ? Le temps s'étirait de façon insupportable : médecins qui m'auscultaient, infirmières qui s'affairaient et prenaient des notes, jusqu'à ce que, un jour, le miracle se produise.
— Nous avons trouvé un cœur, m'a annoncé le Dr Kapur.
La compatibilité était parfaite, pourtant personne n'était à la fête pendant qu'on me préparait pour l'opération ; tout le monde avait conscience de la réalité douloureuse : ce don n'était possible que parce qu'une autre famille souffrait.
Les roues du brancard grinçaient quand on m'a poussée dans le long couloir, les plafonniers émettaient une lumière si blanche et éblouissante que j'avais l'impression qu'elle pouvait m'aspirer et me propulser dans cette vie après la mort à laquelle je voulais si désespérément croire.
Je pensais impossible de me sentir plus mal, néanmoins, lorsque je me suis réveillée deux jours plus tard, dans le service de réanimation, j'étais dans un tel état que j'en ai presque souhaité mourir. J'étais nourrie par perfusion et mon drain thoracique me paraissait aussi lourd que du plomb.
Un jour, Sam a posé un genou à terre, près de mon lit. J'ai d'abord cru que son geste était dû à l'épuisement. Je m'apprêtais à utiliser le bouton d'appel de l'infirmière quand j'ai remarqué le petit écrin en velours noir dans sa paume. Il contenait une bague : un saphir ovale entouré de diamants étincelants.
— Ce n'est pas le cadre romantique que j'imaginais, mais… tu veux bien m'épouser ? S'il te plaît ?
— Sam ?
Je ne savais pas quoi lui répondre.
Genre:
-
"My eyes were racing down the pages...had me guessing right up to the very end and I had tears in my eyes as I relived Charlie's last moments...exceptional...It's an addictive page-turner that begs time and again for just one more chapter until the whole book has been devoured and thoroughly enjoyed."
—The Book Magnet - "Wow! What an amazing debut novel! Full of intense twists! Fantastic book to start off summer reading! Highly recommend."—Loud and Proud Book Junkie
- On Sale
- Mar 10, 2020
- Page Count
- 368 pages
- Publisher
- Grand Central Publishing
- ISBN-13
- 9781538730188
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