Promotion
Use code DAD23 for 20% off + Free shipping on $45+ Shop Now!
The Young World
Contributors
By Chris Weitz
Formats and Prices
Price
$19.99Price
$24.99 CADFormat
Format:
- Trade Paperback $19.99 $24.99 CAD
- ebook $8.99 $11.99 CAD
- Audiobook Download (Unabridged)
- Audiobook CD (Unabridged) $30.00 $33.00 CAD
This item is a preorder. Your payment method will be charged immediately, and the product is expected to ship on or around June 23, 2015. This date is subject to change due to shipping delays beyond our control.
Also available from:
Excerpt
JEFFERSON
Je fais ma ronde, un quadrillage du parc, passe devant la fontaine désormais recouverte – on y garde l’eau chlorée sous des bâches. Devant les tables auxquelles les vieux avaient coutume de jouer aux échecs – là où Brainbox a construit son atelier. La statue de Washington à cheval. Plus loin sur la Cinquième, il y a l’Empire State Building, duquel sort encore de la fumée de certaines fenêtres des étages supérieurs. À en croire les gens, c’est là-bas qu’il vit, le Vieux, le seul adulte ayant survécu à l’Événement. Les gens disent pas mal de conneries, si vous voulez mon avis.
Je regarde les innombrables rangées de légumes qui ont remplacé l’herbe et les fleurs ; Frank en train d’engueuler la petite troupe occupée à travailler dans les lignes de plantations, de leur expliquer une fois encore comment on s’occupe d’une ferme ; le retour d’un groupe de ravitaillement avec ce qui ressemble à des conserves, et peut-être un peu d’essence siphonnée pour les générateurs ; les feuilles qui tombent des rares arbres encore debout. Un coup de vent arrive du nord, chargé de fumée toxique et d’une odeur de cadavres en décomposition. Une journée d’automne comme une autre, dans un éternel automne.
Le talkie-walkie se met à crépiter. C’est la voix de Donna.
— Un groupe est en train d’arriver par le nord sur la Cinquième. À toi.
— À quelle distance d’ici ?
C’est ce que je lui réponds après avoir tripoté le petit bouton en caoutchouc situé sur le côté de l’appareil. Je n’arrive jamais à faire fonctionner ce truc correctement.
Un silence.
— Tu n’as pas dit « à toi », reprend finalement Donna.
— Merde, Donna, à toi, OK ? Combien sont-ils, et à quelle distance d’ici ? À toi.
— Eh bien, Jefferson, ils se trouvent entre la 9e et la 8e. Il y en a une dizaine. Lourdement armés. À toi.
Lourdement armés. M…
— Ils sont des nôtres ?
Une pause.
— … à toi ?
— Non, je suis formelle. À toi.
— Comment en es-tu si sûre ? À toi.
Donna a une vue plongeante sur la rue depuis son perchoir, situé dans les hauteurs d’un immeuble de la 8e, hors des remparts. Bien qu’incapable de distinguer son visage depuis ma position, je parviens quand même à voir l’extrémité du canon de son fusil, qui dépasse à peine d’une des vitres brisées.
— Tu verras, me lance-t-elle.
— Tu n’as pas dit « à toi ».
— On s’en fout. À toi. Tu veux que je les descende ? Ils sont pile-poil en dessous de moi pour l’instant, mais j’aurai une ligne de tir dégagée une fois qu’ils seront passés. À toi.
Elle en serait bien capable, cette dingue.
— Ne. Tire. Pas. À toi.
— Comme tu veux, c’est ta peau que tu risques. Tiens-moi au courant si jamais tu changes d’avis. À toi.
Je ne lui réponds rien. Il est temps de déclencher l’alarme.
Il y en a à proximité de chaque entrée du parc, positionnées dans des arbres – d’antiques sirènes à main que Brainbox a dénichées Dieu seul sait où. Je me saisis de la manivelle et la tourne. Ça commence par un lent et bas gémissement, pour se transformer en un hurlement de tous les diables à mesure que j’accélère. Je pense au nombre de calories que je suis en train de dépenser, et à ce que j’ai mangé aujourd’hui. Des images inutiles de burgers, de frites et de petits pains à la cannelle emplissent mon esprit – autant de mets délicats du passé, de petits luxes inconcevables désormais. Vanité des vanités, dit l’Ecclésiaste, tout est vanité.
Une minute plus tard, nos positions de tir grouillent de monde – six tireurs postés dans le bus scolaire que Brainbox a renforcé d’un blindage, plus Donna et son fusil de sniper en couverture, ainsi que Kurt Je-ne-me-rappelle-plus-son-nom, de l’équipe pédagogique de M. Anderson, posté à un emplacement stratégique à la périphérie de notre camp. Même si Kurt Machin n’a pas inventé la poudre, cela nous garantit une « zone de sécurité », ainsi que la nomme mon grand frère Wash. Il n’y a nulle part où s’enfuir, ou se cacher. Les portes qui mènent directement à notre barricade ont été bloquées – quiconque chercherait à se faufiler jusqu’à nous ne pourrait donc bénéficier d’aucune protection.
— Kurt ? Tu es là ?
Aucune réponse. Soit sa batterie est morte, soit c’est lui.
Je jette un œil en direction de Wash, qui arbore son air de dur à cuire – comme d’habitude.
— Il n’est pas sur le bon canal, m’explique-t-il. Ce gosse est un abruti.
À presque dix-huit ans, Wash est notre aîné à tous. Il doit sans doute s’imaginer que ça lui donne le droit de traiter tout le monde de gosse.
— Essaie le canal 2, me dit-il.
Je passe tant bien que mal sur une fréquence différente.
— Kurt ?
— OUAIS ! me répond sa voix, pleine d’excitation. Où tu es, mon pote ? J’ai essayé de te prévenir : j’ai vu des gens descendre la Cinquième en direction du sud ! À toi !
— Kurt, espèce d’idiot, on utilise le canal 1 le lundi. Et on est lundi. Tu es sur le 2.
Une longue pause.
— …Ah.
Nouveau regard vers Wash. Il a raison, une fois encore ; c’est le genre de situation qu’il a l’habitude de gérer.
Alors que je m’attends à le voir se précipiter jusqu’au bus pour prendre le contrôle des opérations, il se contente de me fixer. L’air de me dire : À ton tour, petit frère.
— Ils sont armés, lui dis-je.
Sous-entendu : ce n’est pas un exercice.
— Alors tu ferais bien de ne pas merder.
Bon. Tout en épaulant mon AK, je me précipite en direction du bus scolaire et en grimpe les marches. Ses rembourrages en Skaï ont depuis longtemps subi les assauts colériques des gens de passage, pour ensuite être volés afin de servir de matelas. Des graffitis à l’humour discutable garnissent chaque espace disponible :
Mes parents sont morts. C’est la fête ce soir chez moi !
« Que le monde aille se faire foutre – moi. »
« Non, toi, va te faire foutre – le monde. »
N’oubliez pas ! Aujourd’hui, c’est le premier jour du reste de la fin du monde.
Tout en passant devant les gosses de la ligne de tir, je remarque – ce n’est pas la première fois – que même si le monde est parti en vrille, les gens font toujours attention à leur look. Bien sûr, tout le monde est habillé chaudement ; mais les multiples occasions de pillage dans notre petit coin de pays singulier ont donné le jour à quelques styles pour le moins… extrêmes. Des manteaux Prada avec des insignes militaires, des vêtements de paysan fixés par des ceintures de munitions. Il y a même un type, Jack, qui a tout envoyé balader et s’est fait la totale Trans. Ce n’est pas comme si les autres allaient le foutre à la porte pour ça, hein. Moi non plus, d’ailleurs. Ce mec fait un bon mètre quatre-vingts, et il est bâti comme une maison en briques (note pour plus tard : ce serait chouette d’avoir une maison en briques). Je me rappelle avoir lu quelque part que les soldats qui se chargeaient de toutes les missions de reconnaissance dangereuses dans l’armée de Napoléon finissaient toujours par devenir passablement arrogants, arborant toutes sortes de colifichets du meilleur goût. Ils formaient l’avant-garde.
Ça me fait penser à ces bouquins, ceux de Patrick O’Brian, avec ces longues rangées d’hommes postés derrière leurs canons sur le pont inférieur, et au film qu’on en a tiré avec cet Australien, là – et il me vient l’idée de lâcher quelque chose comme « Gardez vos positions, les gars, attendez les ordres ». Mais même dans ma tête, ça sonne franchement foireux ; je préfère donc me contenter de leur tapoter le dos, ou de gratifier leurs fesses d’une petite claque, comme si on était juste en train de se préparer pour partir à la chasse.
— Hé ! me lance un des mitrailleurs que je viens de fesser.
Il fait volte-face. C’est cette fille, là, Katherine, la blonde, une espèce de princesse avant l’Evénement. Oups. Même après l’Apocalypse, les filles n’apprécient guère qu’on leur tapote le cul.
— Désolé, ça n’avait absolument rien de sexuel.
J’essaie de garder un ton cool, insouciant.
Elle me fusille du regard – genre, et comment que ça n’avait rien de sexuel – mais n’ayant pas le temps de m’expliquer, je me borne à me dandiner jusqu’au poste d’observation que Brainbox a aménagé au niveau du siège passager avant. De là, je peux voir le piège qui vous attend si jamais vous tentez d’aller au-delà du bus – vous tombez alors sur son jumeau, qui vous oblige à effectuer un coude en U, puis sur un portail en métal – ce n’est donc pas une super idée d’essayer. Sauf si vous êtes cinglé… et lourdement armé.
Je colle mes yeux aux jumelles soudées à leur tourelle orientable ; mais ce qui les accueille alors se résume à une confusion indistincte de couleurs – surtout du vert, avec cependant une grosse masse informe de… de rose ? La mise au point n’est pas faite, mais ils se trouvent trop près, de toute façon. Merde. Je vais devoir me contenter du vitrage de sécurité.
Donna avait raison, ils sont dix – elle a vraiment de bons yeux. Tous des garçons, a priori. Pour la plupart relativement vieux – seize, dix-sept ans. Les tenues de camouflage qu’ils portent sont ornées d’une multitude de décorations et autres médailles militaires, et chacun d’eux arbore une espèce d’écusson au niveau du cœur. Je ne peux pas m’empêcher de me dire que ça ferait une cible parfaite.
Le problème, ce n’est pas leur camouflage – vert forêt, il ne vaut pas un clou en ville. Le problème, ce sont leurs armes.
Un grand type en porte une de gros calibre, le genre à nécessiter une bande de munitions externe. Wash, lui, sait comment on les appelle. Et celle qu’un autre exhibe, qui ressemble à un putain de lance-flammes, ne me rassure pas davantage ; il l’allume d’ailleurs avec un zippo sous mes yeux. Tous deux ont des grenades en bandoulière, le reste du groupe disposant de M 16. Ils ont dû braquer une armurerie après l’Événement.
Et, pour couronner le tout, ils sont positionnés de manière à nous dissimuler quelque chose derrière eux – impossible de voir de quoi il s’agit. Ils n’auraient quand même pas une pièce d’artillerie, ou un truc du style ? Je le sens de plus en plus mal.
— Vous voulez quoi ?
Je leur hurle ça avec une certaine agressivité, sans pour autant en rajouter. À la manière de Wash.
— Parler à votre chef, me répond l’un d’eux, un blond de peut-être dix-sept ans aux yeux bleus et aux pommettes saillantes.
Le genre joueur de foot populaire du lycée. Le genre que je n’aimais déjà pas avant l’Événement.
Dans le bus, tout le monde s’attend à ce que Wash dise quelque chose. Les regards sont fuyants. Mais Wash m’a laissé en plan ici. Merci, mec.
Je m’aperçois alors de l’identité d’un de nos tireurs : Frank, ses presque deux mètres enroulés autour de son fusil.
— Frank, lui dis-je, tu n’es pas censé être là.
— Va chier.
Super. On réglera ça plus tard. Ma bouche revient au haut-parleur. Aïe. Je vais devoir demander à Dougie de rembourrer ce putain d’embout.
— C’est moi le chef.
— Tu as une voix bien jeune pour un chef, me fait remarquer Pommettes Saillantes.
— Je suis le chef, d’accord ? Qu’est-ce que vous voulez ?
Mais Pommettes Saillantes n’a pas l’air de vouloir en venir au fait. Après une révérence outrancière, il commence à parler d’une voix forte, comme s’il jouait dans le Seigneur des anneaux ou un film de ce genre.
— Salutations du Clan de Washington Square, de la Confédération des quartiers résidentiels. Nous voulons parlementer.
Ça arrache un rire à l’un des gosses de notre ligne de tir, une espèce de gloussement – je pense qu’ils l’ont entendu à l’extérieur, parce qu’ils se regardent comme s’ils s’étaient attendus à une réponse, disons… plus cérémonieuse.
— Parlementer, reprend-il, ça veut dire…
— Je sais ce que ça veut dire, mon pote. Tu pourrais juste te contenter de dire que vous voulez parler.
— Bon. On veut parler, d’accord ? Parler business.
C’est à ce moment-là que je comprends la nature de la chose rose que j’ai entrevue un instant dans mes jumelles. Ce qu’ils dissimulaient, ils sont en train de le faire avancer devant eux.
Un porc.
Je ne crois pas en avoir jamais vu un d’aussi près. Je veux dire, peut-être ai-je visité une ferme animalière quand j’étais petit. Et j’ai vu ce film, Hannibal, qu’ils ont tiré du roman de Thomas Harris – une vraie déception, d’ailleurs, si vous voulez mon avis –, avec ces mangeurs d’hommes tellement énormes. Un peu comme celui-là : pas un de ces mignons petits cochons à la queue en tire-bouchon qu’on voit dans les livres d’enfants, un vrai monstre puant.
Ça n’en reste pas moins de la protéine animale.
Dieu seul sait comment ils ont fait pour le ramener ici depuis les quartiers résidentiels, à travers des kilomètres de territoire hostile. Je remarque à présent leur état pitoyable : ils traînent les pieds, sont couverts de bleus, et l’un d’entre eux semble même avoir reçu une balle ; en tout cas, il a un bras en écharpe. Le sang est encore rouge vif. Un combat récent, peut-être sur Union Square.
Peut-être qu’ils ont fait tout ce chemin jusqu’ici parce qu’ils sont armées jusqu’aux dents, Jeff.
— OK. Si l’on part du principe que ce cochon n’est pas un animal de compagnie, c’est sur lui que vont porter nos… pourparlers ?
Pommettes ne m’aime guère, ça ne fait pas de doute, mais il est venu ici pour obtenir quelque chose, aussi me lance-t-il :
— Ouais, petit futé, c’est ce qu’on est venus troquer.
— D’accord, qu’est-ce que vous voulez en échange ?
Et voilà qu’il commence à hausser le ton.
— Ceci est un porc primé de la ferme Hansen, située dans le nord de l’État. Qualité 100% garantie par le Département de l’Agriculture des États-Unis, élevage certifié biologique.
— Tu as bien conscience que le département de l’Agriculture a disparu, et que manger bio est le cadet de nos soucis ?
— Peu importe. Son copain avait bon goût.
Je me tourne vers Frank, le seul parmi nous à avoir travaillé dans une ferme. Il hausse les épaules.
— Il a une bonne gueule. Un beau cochon bien dodu.
— Bon, fais-je alors à l’attention de Pommettes, il m’a l’air un peu maigre, mais ça pourrait nous intéresser. Contre quoi vous nous le donneriez ?
Et c’est là que les choses deviennent vraiment étranges, parce que ce type me répond :
— Deux filles.
Il y a un gros blanc, que dans un SMS on décrirait comme un « instant ? ? ? ».
— Tu peux répéter, s’il te plaît ?
Pommettes revient à son mode Tolkien et articule :
— On vous échange le cochon contre deux femelles.
Aujourd’hui, les enfants, on va apprendre un nouveau mot : perplexité.
— Des femelles humaines, tu veux dire ?
Le type hausse les épaules comme si c’était le truc le plus naturel du monde : Ouais, deux filles pour un cochon. Normal !
J’entends alors Donna dans le talkie-walkie :
— Jefferson ? Qu’est-ce qu’il veut ? Je n’entends rien d’ici. À toi.
Estimant préférable de ne pas informer notre sniper féministe nerveuse de la gâchette que ces sociopathes veulent échanger un cochon contre des filles (à un taux de change pas vraiment flatteur, soit dit en passant), je me garde de lui répondre.
— Hé hooo ? Qu’est-ce qui se passe là-bas ? À toi.
— Je m’en occupe, Donna, merci beaucoup.
M’en occuper ? Et comment je compte faire ça ? Je serais bien en peine de le dire. Les filles en première ligne ont les yeux braqués sur moi.
Je m’éclaircis la gorge.
— Euh, mince, les mecs, mais de quoi vous parlez à la fin ? Je veux dire, je suis désolé si vous vous sentez un peu seuls, mais…
— Nous avons plein de filles. On en veut juste plus, fait un des plus grands Résidentiels, qui tient une crosse avec une grenade au bout.
Mais pourquoi le monde entier s’est-il transformé en un remake de Mad Max ? Pommettes le fait plier d’un regard, comme s’il voulait garder le monopole de la parole.
— Mon collègue a raison, dit-il. On a plein de filles, plein de bouffe, plein de tout dans les quartiers résidentiels – de l’électricité, de l’eau courante, tout ce dont elles auront envie. Je sais pas, moi, du maquillage, toutes ces merdes qu’elles aiment tant. Regarde.
Ses yeux reluquent l’unique fille de leur groupe, une jolie blonde à l’air revêche. Elle s’avance – à moins que quelqu’un ne l’ait poussée, impossible à voir.
— Parle-leur des quartiers résidentiels, lui enjoint-il. Dis à ces filles qu’elles n’ont aucune raison de s’inquiéter.
Mais elle se garde bien d’ouvrir la bouche. Je plisse les yeux dans sa direction, et peut-être est-ce le mot maquillage qui a fait tilt dans mon esprit, mais je ne peux pas m’empêcher de remarquer qu’elle arbore une belle couche de fond de teint sur le côté gauche de son visage – exactement comme si un droitier lui avait collé un pain.
Je n’aime pas ça. Même s’il y avait des filles dans notre groupe désireuses de partir, je ne les lâcherais certainement pas à ces fascistes, et rien au monde ne pourrait me forcer à échanger quelqu’un contre un cochon, peu importe à quel point le bacon me manque.
— S’il te plaît, me lance Carolyn, je peux juste abattre cette salope ?
Je comprends aussitôt que c’est de la Résidentielle qu’elle parle. Et de me dire : Mais pourquoi Carolyn voudrait-elle la descendre, elle ? Je doute de jamais pouvoir saisir la façon de penser des filles.
Quoi qu’il en soit, elle fait coulisser la culasse de son fusil, un son qui ne manque pas de faire aussitôt réagir les Résidentiels – et d’armer à leur tour leurs armes, d’y insérer des chargeurs et d’ôter leur sécurité… À genoux ou ventre à terre désormais, ils les braquent droit sur nos positions de tir. Une horrible pensée me traverse alors l’esprit : Leurs fusils d’assaut ne vont avoir aucun mal à traverser les plaques renforcées du bus, et nous allons tous mourir.
— Ici Donna. À to…
J’éteins le talkie-walkie.
Où se trouve Wash ? Il n’est nulle part en vue. Ce coup-ci, manifestement, il a décidé de tout laisser entre les mains du Fils numéro deux.
Frank se met alors à hurler :
— Vous croyez qu’on joue à Call of Duty, ici ? Vous nous croyez en mode multijoueur ? En WiFi, ou ce genre de merde ? Vous comptez tous vous faire descendre et juste ressusciter quelque part ? Il n’y a pas de Xbox dans le coin. Pas de résurrection. Alors décompressez un peu, putain.
Il a raison. Personne ne ressuscite à part les rats. Ces saloperies ont bien l’air d’avoir pris l’option vies illimitées. Tuez-en un et un autre apparaît comme par magie.
— Une voie sans issue, lui dis-je – une expression qui m’est venue comme ça, d’un coin perdu de mon enfance.
Je trouve que ça sonne assez juste, vu la situation, avec tous ces gens prêts à se tirer dessus.
— Quoi ? s’écrie Pommettes.
— Merci, mais non merci. Reprenez votre route sur-le-champ, Ô Confédération des quartiers résidentiels.
— Nous irons chez les Pêcheurs, s’écrie Pommettes. Marchander avec eux.
Lesdits Pêcheurs se sont installés en bas de South Street – comme quoi la préservation du patrimoine a parfois du bon, ils ont investi un vieux navire de guerre, l’USS Pékin, pour en faire leur quartier général. « Pirates », je trouve que ça leur irait mieux du coup, mais bon.
— Saluez-les de notre part. Et bons sashimis.
Mais ils n’ont pas l’air décidés à bouger leur cul. La situation semble leur convenir parfaitement. Je comprends alors qu’ils ne comptent nullement aller faire leurs petites affaires ailleurs. Ils n’ont pas de plan B. Ce cochon, c’est ici qu’il veulent s’en débarrasser. Pas cool, parce que s’ils sont à court d’options, ça veut dire que nous aussi.
— On peut toujours prendre ce dont on a besoin, déclare Pommettes.
Ne pas leur montrer la moindre faiblesse. Wash dit qu’un prédateur doit toujours avoir en tête les blessures qu’il risque de se voir infliger en s’attaquant à une proie, quand bien même il ne douterait pas de sa victoire finale.
— Non, certainement pas. Bonne journée à toi et à Porcinet.
Je les vois faire des messes basses…
Et l’un d’entre eux approcher un doigt de l’anneau de sa grenade…
Et…
Les gens adorent lancer des jolis trucs du style « Un coup a retenti », mais dans la vraie vie ça n’a vraiment rien de mélodique. Juste… percutant. Un pock ! qui met un instant tous vos sens à l’arrêt – votre instinct prend aussitôt les commandes, vous fermez les yeux et vous mettez en quête d’un endroit où vous terrer.
Je colle le walkie à ma bouche.
— Donna, j’ai dit de ne pas tirer !
— Je n’ai pas tiré, Jefferson. À toi.
Genre:
- On Sale
- Jun 23, 2015
- Page Count
- 400 pages
- Publisher
- Little, Brown Books for Young Readers
- ISBN-13
- 9780316226288
Newsletter Signup
By clicking ‘Sign Up,’ I acknowledge that I have read and agree to Hachette Book Group’s Privacy Policy and Terms of Use