The New Order

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By Chris Weitz

Read by Jose Julian

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They thought they were the only ones left. They were wrong.

After the unexpected revelation at the end of the first book, Donna and Jefferson are separated. Jefferson returns to NYC and tries to bring a cure to the Sickness back to the Washington Square tribe, while Donna finds herself in England, facing an unimaginable new world. Can the two reunite and prevent an even greater disaster than the Sickness?

This second book in The Young World trilogy will keep you at the edge of your seat.

Excerpt

Du même auteur dans la collection MsK :

The Young World, 2015




Titre original :

THE NEW ORDER

Publié par Little Brown and Company

COUVERTURE
Maquette : designvisuel / Sara Baumgartner
Photo : © Michael-Paul Terranova / Christine Kell

ISBN : 978-2-7024-4544-0

© 2015 by Chris Weitz
© 2016, éditions du Masque, un département des éditions Jean-Claude Lattès, pour la traduction française.




Pour Leila et Genny




JEFFERSON

Les dieux se penchent hors de leur machine et nous adressent un signe depuis le ciel.

« POSEZ VOS ARMES IMMÉDIATEMENT ! » crache un haut-parleur.

Les Insulaires ont reçu l’ordre de défendre le laboratoire ; ils les lèvent donc et font feu. De petites cicatrices apparaissent aussitôt sur la peau grise de la bête, autour des épaisses lettres noires formant les mots us navy.

Les soldats rentrent leur tête dans l’appareil ; le museau d’une mitrailleuse pivote vers le bas et se met à vomir un déluge de feu. L’ado le plus proche de Donna et moi se transforme en un chaos de sang et de chair.

Le reste des Insulaires file se réfugier dans le laboratoire. Une nouvelle salve en provenance de l’hélico en fauche quelques-uns de plus. Donna, Brainbox, Peter, Theo, le Capitaine et moi-même, on s’est tous jetés à terre, où nous demeurons prostrés, impuissants, comme si nous vénérions un volcan.

Plus tard, on nous décharge du ventre de l’hélicoptère sitôt qu’il s’est posé sur l’énorme plaque rectangulaire qui tapisse le porte-avions, lui-même aussi grand qu’un quartier de bureaux. Des marines, habillés de combinaisons éclatantes, affluent aussitôt en masse autour de nous. Le vacarme des rotors et des moteurs de jets couvre nos cris lorsque les gardes nous séparent. J’ai à peine le temps de lancer un ultime regard à Donna avant qu’on nous fasse quitter le pont d’envol, pour nous précipiter dans le labyrinthe métallique du navire.

Je hurle son nom, en vain.

C’est le bourdonnement du petit néon qui me réveille. Comme dans ma cellule il n’y a ni horloge ni fenêtre donnant sur l’extérieur, je serais bien incapable de dire s’il fait jour ou nuit. De temps à autre, j’entends à travers la coque des cliquetis de bottes, ou le bruit d’un klaxon, mais ça ne m’a pas encore suffi à me faire une idée précise de l’organisation qui règne sur ce bateau. Dans cette boîte métallique bourdonnante, où j’ai fini par perdre mon rythme circadien, je dérive dans le temps tel un navire aux mâts fracassés, hors de vue de toute terre. J’erre parmi mes souvenirs, l’esprit en vrac, incapable de la moindre pensée cohérente.

Des images dans ma tête. Il y a Washington Square, un timbre-poste vert (ça vous dit encore quelque chose, les timbres-poste ?) collé au beau milieu du circuit imprimé intégralement gris de Manhattan. Dans la vue plongeante de mon esprit, comme il l’a toujours été. Mais quand je fais un zoom, en cliquant sur le plus de mon Google Maps mental, des… accrocs émergent comme autant de défauts sur le tissu de la ville. Des ordures qui brûlent. Un tas de cadavres. Des voitures accidentées, qui ont l’air d’avoir été défoncées par un gosse géant de trois ans. (À se demander si Dieu n’a pas lui-même joué au bambin géant, à moins qu’il ne se soit borné à confier la Terre à l’enfant d’un ami, un petit démiurge pourri gâté, pour aller s’occuper d’affaires urgentes dans une autre galaxie.)

En bas, au niveau de la rue, derrière les murs de fortune qui entourent le Square, la tribu doit être en train de vaquer à ses occupations – fouiller les poubelles à la recherche de nourriture et de combustible, et se demander ce qui nous est arrivé, à moi et à ma petite bande. Et mourir.

Dans une espèce de quai de chargement amphibie, on m’arrose d’un liquide verdâtre qui se met à mousser contre les grilles. Deux marines engoncés dans des combinaisons Hazmat, les yeux exorbités par la peur de la Maladie, m’emmènent ensuite sans ménagement prendre une douche. Après quoi on m’oblige à avaler des médicaments, avant de m’infliger une prise de sang.

Une semaine de quarantaine, puis on me jette au trou.

Pour peut-être la millième fois, je passe en revue ce qui m’entoure. Un cube métallique peint en gris huileux, avec dans un coin un évier et des toilettes en acier brossé, auxquels fait face une étroite couchette. Une épaisse porte blindée avec une fenêtre en Plexiglas recouverte de scotch à l’extérieur.

Ça ressemble à Beckett, mais en pire. Parce qu’il n’y a vraiment rien de nouveau sous le soleil, qui de toute façon me reste invisible.

Si moi je ne peux pas voir à l’extérieur, je suis prêt à parier que l’inverse n’est pas vrai, vu qu’ils laissent les lumières allumées – au grand dam de mon sommeil. Ils me surveillent, et m’écoutent également, aucun doute. Je me mets en quête de lentilles de caméras pas plus grandes que des yeux d’insecte.

Un coup sec de bâton métallique sur la porte, une exhortation à « m’éloigner de l’écoutille ! », et mon interrogateur fait discrètement son entrée, une chaise pliante à la main. Il n’a pas sa combinaison Hazmat – plus personne n’en porte. Leur remède a tout l’air de fonctionner aussi bien que le nôtre.

— Encore ? fais-je.

— Juste quelques questions, me dit-il.

C’est ce qu’il dit toujours.

Y aurait-il quelque chose que j’ignore savoir ? La voix qui ne cesse de bourdonner à l’intérieur de mon crâne – parfois comme un petit frère agaçant, parfois comme un parent particulièrement strict, et parfois comme un « moi-même » fantasmé – me susurre une espèce de comptine, aussi illogiquement logique que peuvent l’être ce genre de chansonnettes : Il y a des choses qu’on sait. Des choses qu’on sait savoir. Des choses qu’on ignore savoir. À savoir des choses qu’on sait ignorer. Mais des choses qu’on ignore complètement. Des choses qu’on ignore ignorer.

— Que veux-tu dire par là ? me demande l’interrogateur.

Je ne m’étais pas rendu compte que j’avais… pensé à voix haute.

— Pourquoi n’avons-nous pas débarqué ? Des gens meurent, là-bas – vous le savez, au moins ?

Il ne me répond pas. Mais l’un des gardes chargés de veiller à ma quarantaine m’a dit que la coque massive du Ronald Reagan se maintenait juste hors de vue de l’Île, à la frontière de l’horizon.

— Vous n’allez pas finir par manquer de carburant ?

À ma grande surprise, il répond à celle-là :

— C’est un navire à propulsion nucléaire, me dit-il. On peut rester en mer pendant vingt ans sans avoir à toucher terre.

Il sourit. C’est la fierté qu’il éprouve à l’égard de ce bateau, je m’en avise aussitôt, qui l’a fait parler.

Avec la disparition de l’Amérique, il n’a peut-être plus rien d’autre qu’il puisse considérer comme son foyer.

J’en essaie une autre :

— Nous sommes les seuls survivants ? Vous êtes les seuls adultes qui n’ont pas contracté la Maladie ?

Mon hypothèse, c’est que ce porte-avions a tout d’une petite cité-État flottante au beau milieu d’une mer de mort. À moins qu’il n’y ait d’autres navires en mer, qui l’isolent – et le protègent – de la Maladie. Mais ça ne m’explique pas comment ces adultes ont survécu. La Maladie décime absolument tout.

Non, me murmure le professeur dans ma tête, elle fait bien pire que décimer. Le mot décimer faisait à l’origine référence à la méthode romaine de punition des mutineries. Par tirage au sort, on choisissait un dixième des soldats d’une légion séditieuse ; et on les exécutait. La discipline par la terreur.

La Maladie ne s’est pas contentée de ça. Tous les enfants et tous les adultes sont morts. Tel un annonceur publicitaire, elle respecte le segment démographique des adolescents.

— Je me suis dit que tu apprécierais peut-être un dessert supplémentaire, me dit-il, histoire de changer de sujet.

Il me tend une salade de fruits emballée dans du papier alu. Ça fait à présent une semaine qu’il s’efforce de m’apprivoiser avec ce genre de friandises, comme s’il voulait dompter mes souvenirs, les forcer à faire le beau.

J’accepte le gobelet en plastique, encore froid d’être passé au frigo. Ce bateau a beau pouvoir rester en mer pendant vingt ans, ils vont bien finir par avoir des problèmes d’approvisionnement, non ? Un jour, dans un documentaire sur les porte-avions, j’ai appris que l’équipage des plus grands se composait de plusieurs milliers de marines. Combien de temps peuvent-ils tenir sur les réserves ? Ils vont bien devoir se ravitailler un jour.

Si j’arrive à parler à Brainbox, peut-être parviendrons-nous à le comprendre. Je parie que son cerveau continue d’absorber la moindre information qui passe à sa portée, peu importe le mal qu’ils se donnent pour le laisser dans le noir. Ou du moins dans la pénombre. Pareils à la faible lueur que diffuse le néon, les interrogateurs nous remplissent l’esprit d’un soupçon engourdissant d’éclairage, juste assez pour lui faire croire qu’il n’y a plus rien à savoir.

À Plum Island, quand l’hélico avait fait son petit numéro de deus ex machina, suspendu dans le ciel comme un gros bourdon disgracieux, une bouffée d’espoir m’avait aussitôt envahi. Après tout ce qu’on avait traversé, je m’attendais un peu à ce qu’on m’accueille en héros. À une tape dans le dos, un Coca bien frais, un tu-t’es-bien-débrouillé-mon-garçon-maintenant-le-cauchemar-est-fini, une part de pizza, ce genre de choses. Pas à cette ribambelle de questions qui me donne l’impression de jouer dans un mauvais épisode de New York, Police judiciaire – un épisode qui repasserait en boucle, de surcroît.

— Pourquoi avez-vous tiré sur l’hélicoptère ?

— Ce n’était pas nous. C’étaient eux.

— Qui ?

— Les Insulaires. Les jeunes qui vivaient sur Plum Island, je veux dire.

— Vous n’en faisiez pas partie ?

— Non. Nous sommes de Washington Square. Et de Harlem.

— D’accord. Alors pourquoi les jeunes qui vivaient sur Plum Island nous ont-ils tiré dessus ?

— Je ne sais pas. Il faut le leur demander, s’il en reste encore de ce monde.

— Et les cadavres qu’on a trouvés dans le laboratoire ?

— Ça doit être le Vieillard – l’adulte, je veux dire. C’était un scientifique, un truc comme ça. Un spécialiste de la guerre biologique. Et la fille, c’était sans doute Kath. Elle… faisait partie de notre groupe, d’une certaine manière.

— Qu’est-ce qui leur est arrivé ?

— Le Vieillard a tué Kath. Il se servait de nous comme de cobayes. Il lui a injecté quelque chose qui a accéléré l’évolution de la Maladie. Il m’a fait la même chose, mais Brainbox l’a aidé à trouver le Remède, et je m’en suis tiré. Bon, j’imagine que vous le savez.

— Et qu’est-ce qui est arrivé au Vieillard ?

— Je vous l’ai dit.

— Redites-le-moi.

— Je l’ai tué. Enfin… Brainbox a empoisonné ses médicaments. Ensuite je l’ai achevé.

— Comment ?

— Je… je l’ai étranglé.

Le Vieillard allait tous nous assassiner. Je ne pense pas à ce que je lui ai fait ; pas beaucoup.

— Les autres sont-ils vivants ? finis-je par demander.

Son visage ne me dévoile rien, pas même l’ombre d’une réponse qu’il évite soigneusement de me donner.

— On va s’arrêter là pour l’instant, se borne-t-il à dire.

Il se lève, referme l’écoutille derrière lui. D’un regard noir, le marine qui me garde, équipé d’une carabine M4, me dissuade de tenter quoi que ce soit.

Je retourne à ma couchette, m’étends sur le dos, me mets à penser à Donna. Et je pense à penser à Donna. J’essaie d’éviter de le faire, persuadé qu’il ne peut rien en sortir de bon. Je n’ai aucun moyen de la voir, de lui parler, de la toucher. Et m’envahit l’étrange sentiment que cette nuit-là, sur l’Annie, avant que les Insulaires ne nous capturent, nous avons partagé un court moment en dehors du temps, un petit miracle forcément trop beau pour s’éterniser. À se demander si le temps que durent les meilleures choses n’est pas inversement proportionnel au plaisir qu’elles nous procurent. Les couchers de soleil, les orgasmes, les bulles de savon.

Et puis me frappe l’ampleur de ma perversité. Et puis je me revois en train d’expliquer à Donna la différence entre perversion et dépravation, par un frais matin d’automne qu’on avait passé dans le Parc, avant l’Événement. Et ce qu’était le « démon de la perversité ». Je me souviens qu’ensuite Donna m’avait surnommé son « petit démon pervers ». Et de nouveau la digue qui empêche Donna de pénétrer dans ma tête s’effondre, je me noie dans la solitude – il ne me reste plus qu’à tout reconstruire avec des briques de glace fondante.

Du coup je pense à penser à penser à Donna. Et tout en faisant ça, je retourne dans mes mains le gobelet de salade de fruits. Et y découvre une date de péremption imprimée sur le fond. Ils prennent garde à la recouvrir d’un coup de marqueur, d’ordinaire, de même que le reste des caractères inscrits sur le triste petit emballage, comme s’ils voulaient affamer mes yeux. Mais cette fois quelqu’un a dû le faire à la va-vite, parce que là, l’encre noire souligne la date plutôt qu’elle ne l’obscurcit.

Ladite date – si mes yeux ne me trompent pas – est dans un mois. L’emballage a donc été fabriqué après l’Événement. Comment est-ce possible ?




DONNA

Les rares moments où Ed l’Interrogateur et les toubibs me foutent un peu la paix – franchement, j’ai l’impression d’être devenue une putain de célébrité, avec une équipe encore plus importante que celle de Beyoncé –, je me laisse simplement flotter sur une mer de sensations – et de souvenirs.

C’est une manière aussi valable qu’une autre de passer le temps, j’imagine. Ouais, ce serait plus marrant d’avoir quelques DVD, ce genre de trucs – mais même ça, c’est un peu has been. D’abord, on a zappé devant la télé, puis on a surfé sur Internet, et maintenant il ne me reste plus que mes souvenirs pour m’occuper.

Ce qui laisse un peu à désirer, il faut bien l’avouer.

C’est plutôt chouette de se rappeler Jefferson et tout ce qui est arrivé – comment on est tombés amoureux, tout ça –, mais je ne cracherais pas sur un ou deux magazines. Parce que bon, on ne peut guère faire plus que se repasser mentalement un souvenir – jusqu’à ce qu’on réalise que chaque fois, on en modifie légèrement certains détails. Au bout d’un moment, genre, disons, après s’être rejoué cinquante mille fois son premier baiser, on finit par prendre conscience de toutes les petites substitutions – peut-être qu’il me tenait comme ci plutôt que comme ça ; ça ne serait pas mieux de se remémorer son premier baiser du point de vue d’une tierce personne, comme dans un film, plutôt que de revoir une fois encore son visage se jeter sur moi – qui se sont accumulées, pour former au bout du compte une gigantesque contrefaçon. Comme cette blague foireuse que mon père me racontait sur la hache de Paul Revere1, dont on avait un à un remplacé tous les éléments – la tête, puis la poignée.

C’est le problème avec l’isolement en cellule : votre esprit a tendance à tourner en boucle. Du coup, je suis en général super contente de voir mon interrogateur arriver.

— Salut, Ed, lui dis-je, c’est quoi le mot de passe ?

J’ai pris l’habitude de l’appeler Ed, parce qu’il a une tête à s’appeler Ed. Le visage poupin, une peau savonneuse avec des brûlures de rasoir, un peu ventripotent, la même coupe en brosse que tous les autres.

— Bonjour, me répond-il.

C’est donc le matin. Qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire aujourd’hui ? Peut-être fixer le mur un moment avant de me ronger les ongles. Et puis péter vite fait les plombs avant le déjeuner.

— Et donc, Ed, vous avez réfléchi à ma requête ? Vous lui avez fait remonter le mât ? C’est bien comme ça que vous l’appelez, dans la marine ? Un mât ? Ou est-ce « une interface verticale servant à attacher un drapeau », ou un truc de ce genre ?

— Nous la prenons en considération.

Il y a comme une once de flirt dans la façon dont il dit ça. Nul doute qu’Ed a les meilleures intentions qui soient, qu’il respecte à la lettre les ordres de ses supérieurs, et qu’au demeurant il n’en a vraiment pas grand-chose à faire de moi. Mais ça ne l’empêche pas de me reluquer avec une pointe de dépravation dans les yeux, que j’attribue à la pénurie de femmes dans la marine, ainsi qu’à un flippant soupçon de fétichisme lié au pouvoir dont il dispose. Après tout, je n’ai d’autre choix que de lui obéir au doigt et à l’œil – je suis sa petite princesse Leia personnelle dans le quartier de détention.

Il me propose de la salade de fruits. Que j’accepte, tout en regrettant qu’il n’ait rien d’autre à troquer. M’est avis que cette petite gâterie a vocation à faire de moi sa débitrice – ça fait un peu psychologie de magazine féminin. Si vous voulez mon avis. Heureusement que, de mon côté, je contrebalance ça avec tout le mépris dont je suis capable de le gratifier. Je ne me la joue pas arrogante, ou vous-ne-tirerez-rien-de-moi. Non, je suis plutôt partie sur le principe d’utiliser toutes les armes à ma disposition. Ce qui ne veut pas dire pour autant que je suis prête a lui montrer mes seins, hein. C’est juste que je ne m’amuse pas à refuser les maigres remontants qu’il me propose, pêches au sirop et autres pseudo-Oreos de marque distributeur. Je lui ai quand même demandé quelque chose d’un peu plus seyant que la tenue de camouflage bouffante qu’on m’a donnée. Elle est d’un bleu dont j’ai du mal à définir la nuance. Bleu hématome, peut-être ? Bleu asphyxie ? Ça me rappelle les Résidentiels, en tout cas, et leur total look paintball/paramilitaire – pas un très bon souvenir. J’en ai aussi profité pour quémander une ribambelle d’autres trucs – du maquillage, un iPad, des magazines féminins, des bottes UGG, des journaux, des tampons.

Vous voyez l’astuce ? J’ai demandé une tonne de saloperies dont toute adolescente digne de ce nom ne manquerait pas d’avoir envie, comme s’il n’y avait pas eu d’Apocalypse mondiale et que personne n’avait rien de mieux à faire que de lire la presse people. Mais dans tout ce foutoir, il y avait des choses censées me permettre d’en découvrir un peu plus sur ce qui se passait – un journal par exemple, pour peu qu’on en publie encore. Hé, ça valait le coup d’essayer. À voir l’attitude condescendante d’Ed, il me considère plus ou moins comme un gaspillage de matière grise, du coup je ferais sans doute mieux de me plier à ses attentes le temps qu’il fasse une gaffe.

Quant aux tampons, ça, c’était pour de vrai – ce qui ne m’amuse pas outre mesure. Parce que bon, depuis que l’épidémie a éclaté, plus personne a eu de bébés ou de règles, ou quoi que ce soit qui s’y rapporte. Mais, pour le meilleur ou pour le pire, depuis que je me suis retrouvée en isolement cellulaire sur ce navire, c’est reparti ! Mon… système est de nouveau pleinement opérationnel. Une super nouvelle, j’imagine – non ? Si ma part féminine s’en réjouit, une autre ne voit pas d’un bon œil la disparition du seul avantage de l’Apocalypse.

— Je peux te fournir, euh… les articles, euh… d’hygiène intime. (Ed est aussi à l’aise avec les trucs de filles que n’importe quel autre mec.) Quant au reste, eh bien, ça dépend en bonne partie de ta coopération.

Ça n’a rien de facile d’amadouer Ed – il n’a nullement l’air de s’émouvoir de ma condition actuelle, ou de vouloir admettre qu’au nom d’un minimum de dignité humaine, il devrait quand même m’en dire un peu plus sur la situation. D’un autre côté, il ne se comporte pas comme les interrogateurs zélés que j’ai pu voir dans les vieux films ou les séries télé – il fait plutôt preuve d’une espèce de persévérance lasse, comme un prof remplaçant qui me ferait passer une interminable interro.

— Il me reste juste quelques questions à te poser, reprend-il.

Juste quelques questions. Pas faux, si par « quelques » il en entend des centaines, des milliers, souvent redondantes et occasionnellement bizarres.

— Revenons à l’époque d’avant l’interruption générale de l’électricité. Tu disais que tu étais en sortie pédagogique au siège de l’ONU le jour où la Conférence sur la Crise virale a commencé.

— Ouais, pendant genre un quart d’heure, avant qu’ils annulent tout.

Ed n’a pas cessé de tourner autour de cette question ces derniers jours, trop pour qu’elle ne soit pas importante. Il s’efforce de le dissimuler derrière un écran de fumée de questions merdiques, genre : « De quoi se composait ton régime alimentaire ? » Mais il a ce tic ridicule : sa jambe se met à tressauter quand il s’intéresse vraiment

Genre:

  • Praise for The Young World:
"A post-apocalyptic teen novel that's far from just another post-apocalyptic teen novel."—Kirkus
  • "The Young World is a thrilling post-apocalyptic page-turner."—Stephen Chbosky, author of The Perks of Being a Wallflower
  • "The Young World is captivating with its constant action that will draw readers in and keep them enthralled until the very end."—VOYA
  • "The fascination of turning allusiveness into action may even explain the desire of an author as potentially imaginative and original as Chris Weitz to write such crisply practical, such shrewdly shameless, popular entertainments."—The New York Times Book Review
  • "Weitz offers a satisfying YA interpretation of the Greek classic Anabasis, brimming with grisly encounters and gallows humor. He also finds room to touch upon issues of race, class, commercialism, and sexuality in nuanced moments that are sharply juxtaposed with the near-constant dangers and seeming hopelessness of the larger picture."—Publishers Weekly
  • "A broken NYC is so compelling that readers will find it hard to put this book down."— School Library Journal
  • "Telling his story in the alternating voices of Jeff and Donna, noted film director Weitz, in his first YA novel, has done a good job of meticulously building his postapocalyptic world."—Booklist
  • "This is a page-turner that will hook readers from the beginning."—Library Media Connection
  • "[A] pretty irresistible spot to end, guaranteeing interest in the remaining two novels of this promised trilogy."—The Bulletin
  • On Sale
    Jul 28, 2015
    Publisher
    Hachette Audio
    ISBN-13
    9781478904090

    Chris Weitz

    About the Author

    Chris Weitz is an Oscar-nominated writer and director. His films include Twilight: New Moon, A Better Life, About a Boy, The Golden Compass, American Pie, Cinderella, and the upcoming Rogue One: A Star Wars Story. The Young World is his first YA trilogy.

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